dimanche 10 août 2014

Le journal de guerre de Jean-Baptiste Bordois



Le texte publié sur ce site à été rédigé par Jean-Baptiste Bordois, un soldat originaire du village de Loriges dans le département de l’Allier. Il semble avoir été écrit d’une traite, plutôt à la fin du conflit, à partir de notes ou de souvenirs. Quoi qu’il en soit, la chronologie incluse dans le récit est très précise et fait l’objet d’un tableau récapitulatif à la fin du carnet. 
 
Sommaire : 
 
 
 
A la suite du récit, ont été ajoutées quelques entrées concernant les aspects suivants : 
 



 
 
 
 

 La carrière militaire de Jean-Baptiste commence en 1910 lorsqu’il entame en qualité de volontaire une période de trois années de formation militaire. Il est alors âgé de vingt ans et il entre au 10e régiment de chasseur qui présente le double avantage de lui permettre de satisfaire son goût pour l’équitation et celui d’être en résidence à Moulins, à seulement une quarantaine de kilomètres de son village natal. Toutefois le régiment est délocalisé à partir de 1910 et c’est à Sampigny, dans la Meuse, que s’achève son service militaire.  
Sa libération du service actif en février 1913, constitue une pause de courte durée, à peine le temps de reprendre une activité d’ouvrier agricole et de préparateur en pharmacie à Saint-Pourçain-sur-Sioule.  
















Le quartier Villars à Moulins ou était stationné le 10e régiment de chasseur jusqu'en 1910. On peut voir quelques soldats de ce régiment sur la photographie d'entête de ce site. Les bâtiment abritent aujourd'hui un musée : le CNCS.













  Jean-Baptiste Bordois, à gauche sur son cheval nommé "Abricot"






Jean-Baptiste Bordois en 1910 avec le sabre caractéristique des chasseurs à cheval

En aout 1914, il a seulement 24 ans et il est célibataire, sa mobilisation est donc immédiate. Il rejoint le 4e régiment de chasseur stationné à Clermont-Ferrand où il reçoit l’emploi d’agent de liaison (cycliste).  Après plusieurs mois d’attente, passés à cantonner, l’épreuve du feu intervient en 1915, pour ne plus cesser jusqu’à l’armistice. Plusieurs fois blessé, il participe à de nombreuses opérations en zone de combats comme en témoignent les citation inscrites sur son livret militaire. Parmi les autres coups durs, celui de la dissolution devenue inexorable de son régiment de cavalerie n’est pas le moindre, morcelant le groupe des camarades et séparant les cavaliers de leurs montures. Il intervient en juin 1917, date à laquelle il rejoint le 167e régiment d’infanterie.


 














Jean-Baptiste à la fin du conflit avec l'uniforme du 167e régiment d'infanterie. L'insigne est celui de la "brigade des loups", qui regroupait plusieurs régiments s'étant distingués lors des combats de Bois-le-Prêtre en 1914. 

Ayant survécu à la guerre, Jean-Baptiste ne revient à la vie civile qu'en août 1919. Après avoir goûté à une courte carrière de gendarme à cheval à Versailles, il rentre dans l'Allier où il se marie à Marie Thuizat le 1er mai 1920.
Après une guerre passée à cheval et à vélo, c’est finalement sur la seconde monture qu’il entame une carrière de facteur qu’il prolonge jusqu’à sa retraite obtenue en… 1945.



Départ pour la tournée à Bransat (Barbery, 13 septembre 1941)

Carnet d'adresses




 
Le carnet commence par une liste d'adresses mêlant des proches et des soldats rencontrés au front.


Adresses diverses

- Bordois Antoine, soldat 38e régiment d'infanterie, 3e compagnie, secteur 73 (1)
- Faule Antoine 13e régiment d'infanterie, 1ère compagnie de mitrailleurs, secteur 222
- Barret Antoine, 95e régiment d'infanterie, 3e compagnie de mitrailleurs, secteur 54
- Bourdois Antoine, caporal, 372e régiment d'infanterie, 7e compagnie de mitrailleurs, armée d'Orient, secteur 508 (2)
- Simand Antoine, 116e artillerie lourde E.M. à L. 32, secteur 154 (3)
- Capitaine de Montlivaud, 116e artillerie lourde, Etat Major L. 32, secteur 154
- Perronnet Charles, député de l'Allier, 62 rue de Prony, VIe, Paris
- Belot Gilbert, 130e régiment d'infanterie, 4e compagnie, C.I.O., secteur 38
- Thomas Claude, 53e chasseurs alpins, 1ère compagnie de mitrailleurs, secteur 184
- Soeur Maurice de Sainte Marie, 8, rue Joseph Barat, VIe Paris
- Gaudiat Gilbert, cycliste 298, régiment d'infanterie, Etat Major, secteur 58
- Bonnichon Léon cycliste, 98e Territoriale, 7e compagnie, secteur 218
- Anglade Marcelin, professeur de lycée, 4 rue de la banque, Montauban, Tarn-et-Garonne
- Chadrin Charles, 174e régiment d'infanterie, 1ère compagine, secteur 203
- Charles Peronnet, député de l'Allier, 50 avenue de Wagram XVIIIe, Paris
- Voldoire Pierre, cultivateur à Soleymieux par Saint-Jean-Soleymieux, Loire (71) 
- Veuve Simand au Theil, Saint-Maurice-en-Gougois, Loire
- J. Brun, fils, rue Damatat à la Madeleine, Moulins-sur-Allier, Allier
- Bordois Antoine, Hopital, Cp, N. 29, lit 189, Martigny-les-Bains, Vosges
- Fercot, 3 rue du Moulins de la tour, Gennevilliers, Seine, Porte Clichy, Train place Voltaire à Asnières
- Grandmougin à Longraye, cultivateur, Calvados
 


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(1) Il s'agit du frère cadet de Jean-Baptiste, né en 1891.





















(2) Il s'agit du père de Jean-Baptiste. Il avait 48 ans au début du conflit

(3) La photographie de Antoine Louis Simand, originaire de Saint-Maurice-en-Gougois dans la Loire, est restée glissée dans une page à la fin du carnet avec la mention "ordonance du capitaine". Il figure sur la liste des morts pour le France, tué à l’ennemi le 12 août 1918 à Roye-sur-Matz (Oise).



2 août 1914 - juin 1915 : mobilisation et cantonnement



Le 2 août 1914, je quitta mon foyer pour aller faire mon devoir sur la frontière.
Je devais rejoindre mon dépôt à Clermont-Ferrand (P.D.D.). Partis au 3e régt. de chasseur à cheval, je fus affecté au 8e escadron où j’eu l’emploi de cycliste. Nous quittâmes Clermont le 12 août 1914 par un soleil brûlant ou nous fûmes cantonnés à Lempdes, petite commune d’Auvergne où les habitants nous firent un accueil enthousiaste. Nous y restâmes que 2 jours après nous embarquames pour Besançon. Le voyage fut vraiment foudroyant, à mi-chemin dans les gares des jeunes demoiselles nous faisaient des accueils chaleureux, principalement à Montceaux-les-Mines « des bouquets, des gâteaux et divers objets » en nous souhaitant bonne chance bon courage est a bientôt le prompt retour, ce retour hélas était loin ! bien loin en pensait pas a des heures si terribles.

Nous voici bientôt arrivé à destination dans la capitale du Doubs. Nous y arrivâmes le 14 août à 14 heures par une foudroyante chaleure En débarqua pour aller cantonner a Chalezeule petit pays de 250 habitants a l’embouchure du Doubs a l’est de Besançon. Toujours le même accueil, les habitants, de vieux cultivateurs furent très heureux de nous voir pour leur aider à leurs travaux de la fenaison. Dans ce pays en était assez bien, l’an se payait des petites ballades de bateau, que de bonheur à ce moment pour nous. Vers le 12 septembre, nous quittions Chalezeule pour aller à Besançon. Dans cette ville de quelques milliers d’habitants, nos supérieurs étaient stricts sur les consignes, mais bientôt les consignes furent violées, en sortait de temps à autre en ville. Ces chasseurs à cheval étaient des enfants parmi la population, quelques uns firent des connaissances, et se fut une vrai vie rêvée. tous les jours, en allait voir les communiqués, les uns étaient favorables a nos armes, en patientait, croyant à bientôt le retour a ceux qui nous sont si chers.

Les blessés étaient déjà nombreux, mais ils avaient toujours malgré leurs souffrances le même désir de retourner écraser quelques allemands de plus. Les jours passèrent vite, très vite même.

4 juin 1915

 
Le 4 juin 1915, une alerte nous fit partir pour Thisé à 4 kilomètre de cette capitale du Doubs, pays de 300 habitants au sud-est de Besançon. Nous y étions pas trop mals, mais ces chasseurs la plupart avaient quitté la capitale, leurs petites connaissances, ils étaient tous chagrinés, ils demandaient à quand donc en ira sur le front.

28 juin 1915 - 10 juillet 1915

 
Mais hélas bientôt nous quittions le Doubs pour aller prendre notre place a coté de nos frères qui se battaient comme des braves. 
Alors ce jour fut le 27 juin 1915 ou en embarqua pour l’armée d’Alsace. En arriva à Belfort le 28 juin 1915, puis en se mit en route pour Rougemont-le-Château, ou en arriva parmis la population alsacienne le 28 de la même journée, affecté au 22e chasseurs à cheval de Marche sous le commandement du lt. colonel Détroyat. Nous faisions partis de la 10e division de cavalerie sous les ordres d’un vaillant cavalier, le général de division De Coutades. Une huitaine s’écoula ou en étaient tous heureux d’aller voir les premières lignes et surtout les Bôches.

 

11 juillet 1915 - 21 août 1915

Enfin, par une belle nuit, le tiers de l’effectif par escadron allait remplacer les cavalier du 20e  dragons qui allaient à l’arrière prendre un peu de repos. Je participa à la relève ou j’étais selon mon emploi agent de liaison. 
Dans la matinée du 11 juillet, je fus en première ligne avec mon chef d’escadron le capitaine de Montlivault. Dans ces tranchées, en ne voyait rien, mais en écoutait quelques balles sifflées. En baisait la tête toujours sans penser au danger. Les camarades étaient d’un courage remarquable « il est vrai c’était notre début ». 
Le lendemain fut plu mouvementé, quelques obus vinrent s’écrasés à quelques mètres de notre abris. Aussitôt la rafale terminée, en sortait dehors a rire du travail des marmites bôches, mais malheureusement, la veille d’être relevé, au milieu de la nuit, une rafale enleva la vie à plusieurs camarades du 16e hussards et en blessant d’autres assez grièvement. Les chasseurs du 22e en furent quitte cette si !
Arrivé à l’arrière, au cantonnement, ceux qui nous attendaient été heureux de nous revoir après une huitaine. En bavarda, en but de bons verres pour faire oublier les quelques ennuis passés.

21 août 1915 - 1er septembre 1915



Le 21 août 1915 en quitta Rougemont-le-château pour aller cantonner à Massevaux, pays redevenu français depuis le début des hostilités. Les habitants heureux de revoir ces petits chasseurs français, la plupart coucherent dans des lits. Nous y restâmes malheureusement guere qu’une dizaine de jours. Alors en quitta le secteur de Burnauhty et le Moulin Schullet.


2 septembre 1915 - 11 septembre 1915


En quitta Massevaux le 2 sept. pour aller cantonner à Montreux-le-château, pays frontière ou en prenait les tranchées dans le secteur de Baschviller (Alsace), pays redevenus français se trouvant a quelques kilomètres de Dannemarie ou il y restait que des ruines. C’est dans ce secteur que furent les premières gouttes de sang versées par les chasseurs du 22e chasseur « 3e  et 4e escadron ». Il n’y faisait guère bon, j’eu même ma coiffure percée d’une balle. En s’en tira tout de même en ayant que quelques blessés. 

12 septembre 1915 - 3 octobre 1915



En quitta Montreux-le-Château le 12 septembre 1915 pour aller à trois kilomètres dans un petit village de 150 habitnats, Grosnes.  A ce moment, en eux un peu de repos ou nous exercions quelques manœuvres de cavalerie. C’était vraiment interessant, cette arme croyait toujours pouvoir se montrer dans le combat à cheval et l’arme blanche comme disent tous les « cavaliers ». dans ce petit village, en était pas trop bien, le village étant pauvre, les gens ne pouvaient nous abriter. Ils avaient tout juste pour se loger.

4 octobre 1915 - 21 octobre 1915



Le 4 octobre 1915, en quitta Grosnes pour aller cantonner à Novillars où l’on y resta quelques jours. Il y avait dans ce petit village un écclesiastique assez gentil pour les militaires, ils blaguaient avec ce dernier comme en se raconte entre camarade de diverse chose.

22 octobre 1915 - 3 janvier 1916


En quitta Novillars le 22 octobre 1915. En alla à 1h50 à Petit-Croix. Là, en y resta quelques mois. Dans ce bon petit pays, il y avait plusieurs restaurants, dans un, le dimanche, l’on dansait, en s’y faisait pas trop d’ennui. 
Les habitants étaient devenus envers nous de vrais camarades. En continuait cependant a prendre le service aux tranchées, mais en avait changé de secteur. A ce moment, en allait dans le secteur de la forêt d’Ispach, coin très calme, quelques coups de canon, mais ce n’était rien, en pouvait tenir !